A celui qui se reconnaîtra
Je t’ai rêvé compagnon de mes randonnées de nuit,
Guide de lumière me tenant la main dans ces chemins
Où les vipères s’entremêlent aux épines gorgées de venin.
Je t’ai rêvé baume posé sur mes hurlements de minuit,
Fossoyeur à l’œuvre enterrant tous ces mauvais esprits
Nichés à chaque détour, bavant à l’idée de ma fin.
Je t’ai rêvé roi de mon monde à moi et j’ai tissé
Ton manteau bleu fleurdelisé dans mon plus beau ciel.
J’ai incrusté ta couronne de mes rires pluridimensionnels.
J’ai passé des nuits blanches, les yeux fermés, le souffle saccadé
A chercher la plus noble matière de l’univers pour y tailler
Ton sceptre et enfin, te sacrer souverain des souverains.
Tu as accepté mon rêve et tu as promis, les yeux brillants
De me tenir la main dans ces labyrinthes étourdissants,
De vaincre les monstres à l’affût dans mes souterrains,
De chevaucher mes folies pour en faire un sage lendemain.
Tu as accepté mon rêve et tu as juré de le partager, de le cultiver ;
D’être celui sur lequel je peux toujours et en tout lieu compter,
De planter en mon cœur un olivier sacré et un éternel rosier,
D’être le mari, l’amant, le père et l’enfant ; d’être le monde entier.
Tu t’es emparé du rêve, traitre ! tu t’es emparé du rêve !
Tu as détourné son cours, terni son éclat et brandi ton glaive
Devant mon visage hagard d’avoir livré mon âme au loup !
Alors que mes traits étaient arabesques du bonheur accompli,
Tu m’as signifié que tu dominais les recoins de ma vie
Et que tu y gambaderais en vandale, en inclassable filou !
Tu as égorgé le rêve sur l’autel de l’union sacrée.
Tu as été le plus mauvais mari possible, imbu de tes droits.
Tout un rêve tramé dans la soie des nuits, tu l’as massacré !
Mais, ta nature triviale n’aura pas raison de moi !
Le rêve altier est un phénix qui, à chaque coup, renaîtra,
Plus fort, plus beau, déployant ses ailes de lumière.
Il se posera ailleurs, te détrônera, mauvais génie !
Et, toute ta vie, tu rêveras à l’instant où j’étais dans tes bras.
Tu traineras ton rêve comme un boulet de forçat,
Levant ton regard éteint vers mon ciel d’acier
Dont toutes les portes te seront à jamais verrouillées.
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